Jenine et Tulkarem, bastions de la résistance
Mardi 28 et mercredi 29 décembre
Notre groupe réduit à une petite dizaine s'est rendu mardi à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Du fait de sa situation excentrée, cette petite
ville est un peu à l'écart des « circuits » des visiteurs en Palestine. A notre arrivée, nous avons été accueillis dans le centre Hakoura, à proximité de la ville. Depuis trois ans, ce
centre aux bâtiments modernes fonctionne en partenariat avec la Guilde française qui le subventionne à hauteur de 70%. Il propose aux Palestiniens des cours d'anglais, de français et
d'informatique, avec accès à des ordinateurs, et travaille aussi sur un volet tourisme et commerce solidaire. L'un des coordinateurs d'Hakoura nous emmène visiter le camp de réfugiés de Jénine où
nous passerons aussi la nuit. Jénine fut notamment l'un des gros bastions de la résistance contre Israël lors de la deuxième intafada. A deux reprises, les résistants, retranchés dans le camp de
réfugiés, ont réussi à repoussé l'occupant israélien. Cela leur valut le bombardement par les avions F16 puis l'assaut du camp avec l'artillerie lourde (tanks, snipers...) dans les premiers jours
d'avril 2002. Le "massacre de Jénine" fit 53 victimes, en grande majorité des civils, et plusieurs centaines d'habitations furent entièrement détruites. De nombreux murs sont aujourd'hui encore
criblés de balles. Comme toutes les familles du camp, celle qui nous accueille ce soir (palestino-algérienne) a vécu dans la peur ces jours dans la peur, terrée dans sa maison. Avant l'attaque,
les enfants ont cru entendre des dinosaures aux portes du camp... c'était tout simplement les tanks israéliens.
Maison criblée de balles dans le camp de Jénine
Un papi fabrique ses barbes-à-papa dans le coffre de sa voiture, au camp de Jénine
16 000 habitants vivent aujourd'hui dans le camp de Jénine, sur une surface d'un kilomètre carré. La grand majorité a entre 13 et 30 ans. Depuis la construction du mur au début des années 2000,
le taux de chômage bat des records (supérieur à 70%), les Palestiniens n'ayant pour la plupart pas obtenu le permis pour venir travailler en Israël, les conditions étant difficiles à remplir :
être marié, avoir plus de 35 ans, avoir des enfants, et surtout, répondre aux critères de sécurité exigés, autant dire, être dépendant de l'arbitraire israélien. Comme les autres camps de
réfugiés, celui-ci se trouve sous l'égide de l'agence des Nations Unies UNRWA, responsable de l'éducation et de la santé. Son programme alimentaire s'est réduit drastiquement depuis quelque
temps. Le camp de Jénine s'est fait connaître grâce à son « Théâtre de la Liberté » créé par une Juive israélienne en 2006 pour offrir une porte de sortie et un espoir à des jeunes du
camp, souvent atteint de traumatismes psychologiques. La troupe a été invitée pour une tournée en France, en Autriche et en Allemagne. La structure propose également des ateliers
multimédia.
Une fois encore, l'accueil dans les familles est un grand moment de partage et une démonstration supplémentaire de l'hospitalité palestinienne.
Répétition au "Théâtre de la Liberté" dans le camp de Jénine
Le lendemain, nous rejoignons le ville de Tulkarem, à l'ouest, et son camp de réfugiés. Salem, professeur d'anglais bénévole dans le centre d'accueil
« Al Aouda », nous emmène dans les rues insalubres du camp. La densité de population est encore plus forte ici, avec 20 000 personnes vivant sur un kilomètre carré. C'est le deuxième
plus gros camp de Cisjordanie après celui de Balata, à Naplouse. Ici aussi, la résistance contre l'occupant israélien a été tenace, avec les mêmes conséquences : plusieurs dizaines de tués parmi
les civils du camp. Dans la rue, une femme nous invite dans sa maison pour boire le thé en compagnie de l'un de ses fils et de petits enfants. Comme dans les autres camps, les familles vivent
dans la même crainte : être de nouveau chassés, comme en 1948, par les Israéliens. Sans espoir de revoir la terre de leur enfance, ces Palestiniens ont désormais créé de nouvelles attaches dans
ces camps, où les tentes puis les bidonvilles ont fini par être remplacés par des habitats en dur, souvent très sommaires. « J'espère que les Juifs nous laisseront vivre ici et ne nous
chasserons pas une seconde fois » dit la mère de famille. Au mur, le portrait d'un proche, condamné à 24 ans de prison en Israël pour avoir pris part à la résistance lors de la deuxième
intafada à l'âge de 22 ans. Il fait partie de la longue liste des martyres tués ou emprisonnés par l'armée israélienne.
Dans les rues du camp de Tulkarem
Devant les stèles érigées en hommage aux civils et résistants tués par l'armée israélienne dans le camp de Tulkarem
Hier soir, nous avons quitté avec nostalgie le reste du groupe, reparti en France. Jisse et moi poursuivons notre petit périple en Cisjordanie. Aujourd'hui, nous quittons Tulkarem pour rejoindre Ramallah puis Al-Masara, où nous devons retrouver Mahmoud, le maire du village. Demain, nous avons prévu de participer à ses côtés à la manifestation organisée ici aussi chaque vendredi pour protester contre le mur qui grignote chaque jour un peu plus les terres des Palestiniens.